L’ÉPREUVE DES LANGUES, EMERY MWAKO :
DU CONGO AUX PHILIPPINES
Originaire du Congo, Emery Mwako fait part de son apprentissage de la langue Cebuano, une des grandes langues des Philippines : le récit de son parcours de combattant.
Un laboratoire
Dès son arrivée aux Philippines il entreprend un cours intensif dans un véritable laboratoire de langue tout en résidant dans une famille philippine, et cela afin de baigner totalement dans le milieu. Il nous rappelle comment les Scheutistes européens se débrouillaient en arrivant au Congo : j’ai eu la chance de rencontrer des missionnaires CICM au Congo, qui travaillaient dans notre paroisse, et qui parlaient parfaitement notre langue maternelle. Je me suis souvent posé la question de savoir comment ces missionnaires ont fait pour apprendre notre langue. Était-ce une expérience de tour de Babel ou une expérience de Pentecôte ? Je reconnais qu'ils parlaient très bien notre langue locale, sans l'aide d'un laboratoire de langue et sans ordinateurs, mais suite à beaucoup d'exercices pratiques, avec beaucoup de fautes au début, et pour finir, ils y sont arrivés.
Langue des signes
Pendant ces cours aux Philippines, ajoute-t-il, j'ai eu la chance dès le début de faire partie d'un groupe étudiant, soit le Tagalog, soit le Cebuano. Pour ma part, j'étudiais le Cebuano. Malgré cette chance d'être en équipe, il n'était pas facile de communiquer entre nous. Nous nous sommes rendus compte que nos langues d'origine et même l'anglais ne nous aidaient guère. Au début la seule langue qui était comprise était celle des signes et des gestes, des sourires fraternels, en un mot le langage de l'amour fraternel. Pour continuer à progresser nous nous sommes mis au service les uns des autres, je m'étais engagé comme sacristain pour la préparation de la messe, comme garde malade, coiffeur, chargé d'accueil et guide touristique des nouveaux venus. A côté du laboratoire théorique des langues, les services mutuels étaient devenus un autre laboratoire de langue vécu dans la pratique et le concret. C'était un rodage indispensable qui nous faisait faire de réels progrès.
La langue de l’amour
Dans toute cette évolution, le sourire en toute circonstance, fut d'une grande importance. Ça m'a permis de comprendre que les gens n’attendent pas de nous des discours impressionnants dans leur langue, mais une simple présence accompagnée d'un petit sourire, en toute circonstance agréable ou pas ; ce sourire nous apportait plus de joie et d'espérance. Et si nous pouvions ajouter l'un ou l'autre mot, cela suffisait pour attirer la sympathie des gens. En résumé, pour finir nous parlions tous une seule langue, sans savoir comment la nommer, la langue de l'amour fraternel. N'était-ce pas déjà le vécu de notre devise: « Cor unum et anima una » (un seul coeur, une seule âme) qui est la devise bien connue des missionnaires de Scheut.
Adrien Rion : selon l’article paru dans Chronica, revue interne à cicm en juillet 2016